Galerie 'Au Pingouin Bourré'

Des cris dehors. Puis des tirs.
Quelque chose, enfin, se réveille en lui.
Brûlant. Palpitant.
Tout n'est pas perdu.
Il se rattache à cette pensée lorsque les voix de ses geôliers se font entendre, lorsque leurs poignes s'emparent de ses bras, le trainent hors de sa sinistre cellule. On lui passe un sac sur la tête, puis on l'emmène encore.
Il se croyait mort depuis des jours, mais son cœur bat dans sa poitrine. Si violemment que c'en est douloureux.
L'espoir est douloureux.
Il trébuche, manque de tomber, est à moitié porté, à moitié trainé par les hommes qui le tiennent. Les menottes qui enserrent ses poignets et mordent sa chair n'ont aucune importance lorsque le jour l'aveugle, à travers le sac.
Et les pulsations de son cœur se font plus violentes.
Dans un élan irraisonné -mais qui aurait pu raisonner un tel espoir ?!-, il se débat, échappe à leur prise... Juste une seconde. Avant que quelque chose ne s'abatte sur son crâne, obscurcissant brutalement sa vue, troublant les sons qu'il entendait.
Ce n'est plus qu'un lointain brouhaha....
Puis le silence.
Pourtant, il est toujours conscient, il le sait. Il le sait parce qu'il sent les mains puissantes qui le retiennent, il sent les armes menaçantes s'enfoncer dans ses côtes.
Non... tout n'est pas silencieux.
Si les tirs se sont tus, comme les explosions, si le grondement des flammes a succédé à celui des moteurs, il reste des voix.
Moins nombreuses.
Il y a des cris du côté de ceux qui le tiennent, d'autres voix leur répondent. Le canon des armes s'enfonce toujours entre ses côtes. Ce sera bientôt fini...
Il n'entend pas la série de détonations lointaines. Ressent juste un flottement... les armes qui s'en vont. Et tombent. Comme ceux qui les portaient.
Ses jambes n'ont plus la force de le soutenir. Il tombe aussi, alors que retentissent de nouvelles détonations. Cherche à rester conscient malgré tout.
Le silence revient.
Percé par une voix, lointaine.
Et son cœur manque d'exploser.
L'espoir est douloureux. Si douloureux quand on sait qu'il est vain.
Il se maudit, maudit ces impressions qui lui font croire l'impossible. Maudit ces gens arrivés trop tard. Maudit la Terre entière...
Jusqu'à ce que des mains reprennent ses bras meurtris. Plus petites que les larges battoirs de ses geôliers. Plus douces et plus tendres, aussi.
En un instant, ses poignets sont libérés. Les mêmes mains douces le redressent, le maintiennent en position assise alors qu'il s'appuie sur le sol.
Puis on lui retire son sac. La lumière est aveuglante, il ne voit qu'une vague silhouette grisâtre dans le gris ambiant.
Il entend cette voix murmurer des mots qu'il n'arrive pas à comprendre, sent ces mains dégager ses cheveux de son visage, l'enserrer tendrement.
Et puis des lèvres rencontrent les siennes.
Des lèvres au goût de café.
Et le bonheur explose. Dans tout son être.
Ses mains cherchent ce visage qu'il croyait ne plus jamais revoir, se glissent dans les cheveux de celle qu'il aime. Une perle salée vient s'immiscer dans leur baiser, alors qu'il réussit enfin à entendre ce qu'elle dit depuis qu'elle l'a rejoint.
Je t'aime.
Je t'aime.
Je t'aime.
Et mille fois plus encore, jurent leurs lèvres lorsqu'elles se rejoignent à nouveau.
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Ce n’était pas une femme qu’ils suivaient. Pas plus que ce n’était un Marine. Plus tout à fait. Bien sûr, elle portait leur uniforme… Bien sûr, elle avait presque intégralement planifié l’opération elle-même. Mais à cet instant, il n’y avait plus grand-chose d’humain chez celle qui dirigeait en silence les deux unités de snipers au point de tir.
Ses mouvements étaient fluides, félins, précis. Aucun de ceux qui la suivaient n’aurait été capable de la même discrétion, c’était comme s’ils allaient à la suite d’un fantôme qui frôlait le sol sans un bruit.
Un fantôme qui irradiait d’une puissance incroyable, dans le moindre de ses gestes.
Une puissance qui prenait ses sources dans la rage, dans la haine.
Terrifiante.
Et plus loin encore, elle puisait dans cet immense gouffre de terreur, de douleur. C’était lui qui l’alimentait, lui qui la poussait en avant, toujours en avant.
Elle ne s’arrêterait pas avant que tout ceci soit fini.
Ou avant d’être morte.
Si elle s’arrêtait, elle tombait. Elle le savait.
Enfin, ils atteignirent l’endroit qu’elle avait désigné. Un magnifique promontoire, avec une vue parfaitement dégagée sur le point où, selon elle, ils devraient éliminer la plupart des ennemis.
Avec précision, elle plaça ses hommes. Leur donna ses ordres. Et lut dans leurs yeux la crainte qu’elle y allumait.
Aucune importance.
Dans un souffle rauque, elle donna aux autres troupes l’ordre de lancer l’assaut.
Elle ne bougerait pas.
Pas tant que ses cibles ne seraient pas là.
Son cœur ne battait que dans un but. Un seul et macabre but.
Vengeance.
Ses battements cardiaques ralentirent à l’extrême lorsque des hommes sortirent des vieux bunkers autrefois abandonnés.
Tous n’étaient pas là. Aucun sniper ne bougea.
Elle était prête.
Tous ses hommes étaient prêts.
Et puis ce fut comme si la foudre l’avait frappée de plein fouet. Un frisson glacé parcourut sa colonne vertébrale alors que son cœur marquait un temps d’arrêt, avant de se mettre à cogner à grands coups douloureux.
Ils ont un otage.
Mais ce n’est pas un obstacle pour les snipers.
Ils ont un otage, la tête encapuchonnée.
Mais elle n’a pas besoin de voir sa tête pour savoir que c’est lui.
La douleur et la tristesse s’estompent, ne laissent que la rage et la haine.
Ils sont tous sortis.
Les soldats font semblant de négocier.
Il lui suffit d’un mot pour déclencher les tirs.
Le tir.
C’est comme si dans le même souffle, tous les snipers avaient appuyé sur la détente.
Les hommes s’effondrent, là-bas. Et les sous-fifres ne font pas le poids face au peloton de Marines surentraînés.
Elle a déjà commencé à dévaler la colline, fait taire ses poumons qui crient grâce, oublie son cœur qui bat toujours aussi fort.
Pour le retrouver enfin.
Enfin…
- Je t’aime… Je t’aime !